Sept mille clients de la banque portugaise qui avaient été poussés à placer leurs économies dans un produit financier douteux n’ont jamais été remboursés après sa faillite. Ils ont fait entendre leur voix cet été, en manifestant dans tout le pays mais aussi à l’étranger.
Les “lésés de la banque BES” ne baissent pas les bras. Ils ont organisé une manifestation le 27 août à Lisbonne pour réclamer des compensations après la perte de leur épargne. En effet, au début des années 2000, un nombre important de petits épargnants portugais s’étaient vu proposer par la Banque BES (Banco Espirito Santo) un nouveau produit financier, présenté comme sûr. Il s’agissait en fait d’un produit normalement destiné aux entreprises (des billets de trésorerie), qui n’aurait jamais dû être proposé à de simples particuliers. Sept mille clients ont investi, au total, plus de 700 millions d’euros dans ce qu’ils croyaient être une épargne.
Parmi ces clients figure une grande proportion d’émigrés (en France, en Suisse, au Luxembourg) et de retraités. Lorsque la banque BES a fait faillite, en août 2014, ces épargnes ont été placées du côté de la “mauvaise banque”, alors que les actifs jugés sains ont été placés dans la “bonne banque”, devenues le Novo Banco. L’Etat a injecté 4,9 milliards d’euros pour sauver la “bonne banque”, mais les économies de ceux que la presse portugaise a nommé “les lésés de la banque BES” n’ont pas été sauvées.
Une vague de protestations a alors pris forme au Portugal et dans les pays où ces immigrés vivent, sous la bannière de quelques associations créées pour l’occasion comme les “Lésés du Novo Banco” (LNB) ou le “Mouvement des émigrés lésés” (MEL).
La colère des émigrés portugais
Cet été, en raison du retour saisonnier des émigrés portugais dans leurs pays natal, la mobilisation s’est étendue. Des manifestations ont balayé tout le territoire, de petites villes de province jusqu’à Porto ou Lisbonne. La police a eu maille à partir avec des manifestants très remontés et de nombreux incidents ont été constatés sur les lieux de ces actes de protestation.
“Je n’ai acheté que le billet aller, je n’ai pas de billet retour. Je resterai tout le temps nécessaire”, déclarait le 10 août dernier au journal Público Lurdes Limas, résidente en France qui manifestait à Lisbonne devant le siège de la banque. Ce jour-là, 500 manifestants remontés avaient tenté de forcer les barrages des forces de sécurité pour pénétrer les locaux.
Le site Web de la télévision portugaise RTP faisait également état du ressentiment de ces immigrés envers leur pays d’origine : “Mes parents m’ont habitué à faire des économies et nous les rapportions au Portugal. La banque nous a dit que c’était un produit sûr. Le Portugal était notre pays, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. C’est pour ça que je n’ai ramené qu’un drapeau français”, déclarait une manifestante parmi ceux qui criaient ce jour-là “Vive la France”. Une manière de pointer du doigt la lenteur de la réaction des autorités compétentes au Portugal.
Des manifestations à l’étranger
La semaine dernière, une manifestation des “lésés de la banque BES” a même coupé la circulation puis fait fermer le poste-frontière de Vilar Formoso – le plus fréquenté du Portugal – avant d’être évacuée par les forces de l’ordre.
Diverses manifestations ont déjà été organisées à l’étranger et notamment à Paris. Expresso s’en était ému : “Les tranquilles et fortunés résidents de l’avenue Georges-Mandel, dans le très chic quartier du Trocadéro, situé dans le 16e arrondissement de Paris, n’avaient jamais été réveillés d’un tel soubresaut à l’heure du petit déjeuner. A 9 heures du matin, 250 émigrés portugais manifestaient bruyamment avec des mégaphones à la porte de la délégation parisienne du Novo Banco, située sur cette avenue.”
Le journal suisse Le Temps s’est également fait l’écho de la mobilisation des Portugais vivant sur le territoire suisse ainsi que de leur désarroi : “Au sein de la communauté portugaise de Genève, des bruits font état de dépressions, de divorces, voire pire. Dans l’agence Novo Banco de Plainpalais, qui arbore encore les couleurs de la défunte BES, on reconnaît recevoir la visite quotidienne de clients angoissés ne sachant pas quoi faire. Sans plus de commentaires.”
Des propositions jugées innaceptables
Cet été, l’administration de Novo Banco a enfin fait une première proposition : rembourser 60 % de l’argent en avoirs dans les produits d’épargne de ses succursales. Cette proposition a été refusée en bloc par les associations des victimes de l’escroquerie.
L’hebdomadaire Expresso annonçait le 22 août dernier une volonté d’aller plus loin : “Les lésés de la BES veulent que l’ONU et le Tribunal européen défendent leurs droits.” Une manifestation nationale est prévue aujourd’hui à Lisbonne.
Courrier International - France
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