J’avais un copain d’école, que l’on surnommait « la
fillette »… Je ne me souviens plus de son nom ; seul j’ai présent son souvenir d’adolescent au
teint pâle et fragile qui ne prisait point trop les jeux de brutes auxquels
nous nous livrions quand nous en avions le temps, c’est-à-dire,
constamment !
Je transportais sur mon vieux vélo rouillé ma petite sœur
à l’école des filles et, entre son domaine et le parvis de Saint-Vincent,
j’entrais dans le no man’s land, aussi bien connu, en cette année 1965, par le
« Royaume de la Castagne »…
Toutes frustrations : études ratées ou une vie
familiale stricte et violente se réglaient là ! Entre deux cours à l’Ecole
Primaire Saint-Vincent tous les élèves se rendaient au fronton pour le « yo
pour le roi » ; une espèce de jeu de pelote rudimentaire adapté aux règles des handicapés
du petit cerveau et gros bras.
Plus tard dans j’ai compris qu’il en est de même dans la
vie : notre intelligence ne sert à rien si l’on n’a pas assez de force pour
lui faire place.
Revenons au jeu ; une mêlée nombreuse et confuse où il
valait mieux être viril pour « chopper » la balle revenue du fronton :
encore fallait-il ne pas la prendre à « l’andouille » maladroit mais
costaud, afin d’éviter une « branlée » probable et annoncée.
Ce jeu, au demeurant intéressant, finissait
invariablement par une bagarre générale interrompue par la sonnerie indiquant le
retour aux cours et la fin de la « récréation ».
Comme je comprends, aujourd’hui, que la « fillette »
ne voulût point se joindre à ce jeu viril où beaucoup d’entre nous évacuaient
leurs frustrations.
La « fillette » (je l’appellerai Jean
désormais) subissait tous quolibets et sévices de cette virilité campagnarde sans mot
dire… Je le comprenais mais, appartenant au clan des brutes, il ne m’était pas
permis de le défendre malgré le secret désir de le faire. Lâcheté sans doute… En
pensant à cet être délicat il me vient un regret rétrospectif du fond de l’âme.
Pardon Jean ; tu étais un mec bien.
Parfois, le mercredi surtout, nous prenions l’air au
« ruby » du côté du « Gond »… Avec mes frêles kilos, je ne
faisais pas trop le poids ni le fier ; mais je jouais quand-même,
profitant de l’agilité qui me permettait d’éviter la plupart des défis
physiques; et cela fonctionnait jusqu’au jour où, sur un terrain boueux
jusqu’aux genoux et après quelques
feintes de passe, regardant à gauche et à droite, je suis venu m’empaler sur un
mamouth qui, (d’après Jean qui assistait au « spectacle »), traînait
à cet endroit, immobile depuis l’éternité
que lui permettait sa graisse, avec la foi inébranlable de pouvoir attraper quelque
« brêle » qui se présenterait sur son pauvre e restreint
territoire!
Ce fut moi… le coup de corne fut si rude que le ciel gris
fut zébré d’éclairs multicolores.
Mais le « match » était fini et nous allions
pouvoir déguster nos « menthe à l’eau » au milieu de chants joyeux et
paillards.
27 septembre 2013.
JoanMira
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