19.11.14

Corruption au Portugal


Dessin de Kazanevsky
Le 13 novembre dernier, 11 personnes ont été arrêtées dans le cadre d'une opération anticorruption autour de l'attribution des "visas dorés" (vistos dourados). Ces documents inventés en 2012 pour attirer de l'argent dans un pays en pleine crise, autorise le séjour de riches étrangers au Portugalsous certaines conditions, notamment l'investissement de capital dans l'économie locale. 

Parmi les personnes arrêtées, Manuel Jarmela Palos, directeur du service des étrangers et des frontières (SEF), António Figueiredo, président de l'Institut des registres et des actes notariés (IRN) et Maria Antónia Anes, secrétaire générale du ministère de la Justice. Les personnes incriminées sont, selon le Diário de Notícias, suspectées de corruption, de blanchiment d'argent, de trafic d'influence et de malversations.

Le ministre de l'Intérieur démissionne

La fille du directeur de l'IRN, Ana Luísa Figueiredo, est aussi sous le coup de la justice. La société Golden Vista Europe qu'elle préside et qui propose des services divers à ces nouveaux résidents de luxe semble être une des cibles de l'enquête. Elle compte comme associés Zhu Baé et Shengrong Lu, deux entrepreneurs chinois qui ont été arrêtés, mais aussi le ministre portugais de l'Intérieur, Miguel Macedo.

Le 16 novembre, celui-ci a présenté sa démission. A cette occasion, il a clairement tenté de se dédouaner d'une implication dans l'affaire, comme le cite le Jornal de Notícias : "Je ne suis jamais intervenu dans le processus d'attribution de ces visas et je n'ai rien à voir avec l'enquête en cours." Il justifie sa démission plutôt par la volonté de ne pas déstabiliser le gouvernement : "Je pars pour défendre le gouvernement, l'autorité de l'Etat et la crédibilité des institutions." 

Le député socialiste Marcos Perestrello, qui en profite pour tirer sur l'ambulance, souligne dans le journal Público "le contraste entre la lucidité du ministre Miguel Macedo et la manque de lucidité du Premier ministre et des autres membres du gouvernement". C'est finalement Anabel Rodrigues, une pénaliste membre du Conseil supérieur de la magistrature, qui sera nommée à l'Intérieur par le Premier ministre Pedro Passos Coelho.

Les services secrets mêlés à l'affaire

"L'enquête sur les visas dorés ouvre une guerre entre la police et les services secrets" titrait lundi 17 novembre Expresso. Selon l'hebdomadaire portugais, Horácio Pinto, directeur du SIS (équivalent de la DST en France) et Júlio Pereira, directeur du SIRP (équivalent des Renseignement généraux) seraient liés à l'affaire. Les deux hommes auraient été sollicités par certains des inculpés pour vérifier s'ils étaient sur écoute ou pour faire disparaître des preuves.

Selon le Diário de Notícias, le Parti social-démocrate actuellement au pouvoir réclamerait maintenant la tête des dirigeants des services secrets portugais. La source anonyme citée par le journal aurait déclaré "qu'il y a trop de scandales auxquels sont mêlés les services secrets portugais et qu'ils ne se résoudront qu'avec une décapitation et un ménage de fond en comble". 

Peut-on avoir confiance dans les visas dorés ?

Pour José Cesário, secrétaire d'Etat aux communautés portugaises cité par le journal Público, le Portugal "ne brade pas les visas dorés" car le "système [d'attribution des visas] est organisé de façon rigoureuse". Selon lui, le programme des visas dorés pourrait néanmoins subir "de petites altérations". 

Autre son de cloche au Bloco de Esquerda (BE, gauche radicale), pour qui il est nécessaire de mettre fin aux visas dorés. Cité par le Diário de NotíciasJorge Costadirigeant du BE, estime que "cette mesure n'a rien apporté à la population portugaise [...] mais a uniquement favorisé la spéculation immobilière et l'afflux de grandes sommes d'argent qui circulent par des circuits douteux".

En 2014, les "visas dorés" ont déjà rapporté 1 076 millions d'euros.


Courrier International

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