La gauche a progressé mais la coalition du Premier ministre sortant, le libéral Pedro Passos Coelho reste la première formation du pays, sans toutefois obtenir la majorité absolue.
Un scénario opposé à celui de la Grèce s’est imposé, et Bruxelles doit sûrement se frotter les mains. Le libéral et très orthodoxe Pedro Passos Coelho a réussi la prouesse de crier victoire après avoir imposé à son peuple quatre ans d’austérité à base de remèdes de cheval por sortir du gouffre financier dans lequel le pays risquait de sombrer -en 2011, il a reçu une aide de l’UE et du FMI à hauteur de 78 milliards d’euros.
Au terme de législatives sans incidents majeurs, la coalition conservatrice «Portugal al Frente» a obtenu près de 40% des suffrages et une centaine de députés. Un résultat probant qui la situe bien au-dessus de l’opposition socialiste, qui se contente de 32% des voix et de 79 députés au Parlement national. Dans le camp de la gauche, c’est le Bloque d’Esquerda (BE), une petite formation anti-austérité, qui tire le gros lot en décrochant 8% des voix et 18 des sièges, son meilleur score, et devance même le Parti Communiste (15 sièges), une valeur sûre dans ce pays depuis la fin de la dictature de Salazar.
Même s’il n’a pas décroché la majorité absolue dont il rêvait, Passos Coalho a su faire passer son message à une bonne partie des Portugais : «Après les sacrifices auxquels vous avez consenti, ayez confiance en moi pour parachever la relève du pays». Après une cure d’austérité très forte (baisse des salaires des fonctionnaires, réduction des jours fériés, hausse de la TVA, jusqu’à 23%, élévation de l’âge de la retraite, privatisations massives, etc), l’économie montre une certaine amélioration, avec un chômage qui en quatre ans a chuté de 17,5% à 12,4% et un déficit ramené de 7,5% à 3%. Le «bon élève» de Bruxelles a donc eu beau jeu d’exhorter son pays à poursuivre un effort qui porterait ses fruits. «Le pire est passé, a clamé Passos Coelho, nous allons pouvoir repartir sur des bases plus saines».
L'ombre de Socrates
En face, les socialistes faisaient une mine piteuse. Et en particulier son flamboyant leader Antonio Costa, très actif pendant la campagne, aujourd’hui confronté à certains poids lourds du parti réclamant sa démission. Il semble que le Parti Socialiste a payé le prix de son récent passé : son précédent leader José Socrates, chef du gouvernement jusqu’à juin 2011, avait mené son pays au bord de la banqueroute, avant d’être lui-même mis en examen pour fraude fiscale et blanchiment de capitaux. Il est désormais assigné à résidence, et son ombre portée n’a guère aidé son successeur
Reste que, par le jeu des majorités, il est fort possible que le vainqueur des législatives, corseté par sa majorité simple, soit dans l’incapacité de gouverner. L’option alternative pourrait paradoxalement voir aux manettes une «Union de la gauche»; celle-ci présente toutefois l’inconvénient d’être très hétéroclite avec trois composantes aux thèses peu compatibles : les socialistes proposent une «austérité modérée»(baisse de la TVA, réévaluation du salaire des fonctionnaires), alors que les Indignés du Bloque, une sorte d’équivalent du Syriza grec, proposent une rupture avec la «logique de la rigueur», tout comme les communistes qui, eux, vont jusqu’à prôner la sortie de l’euro du pays. Alors qu’une période d’instabilité menace le Portugal, la balle est dorénavant dans le camp du Président de la République, Cavaco Silva, qui hérite de la difficile mission d’assurer la gouvernabilité du pays.
Libération - France
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