24.8.12

Les grands peintres impressionnistes - Georges Seurat - 1859-1891

Georges SEURAT

créateur du divisionnisme

Georges Seurat naquit à Paris dans une famille aisée de la bourgeoisie et n'aura jamais le souci de vendre ses oeuvres.
Son père, Chrysostome Antoine Seurat, était huissier de justice auprès du Tribunal de la Seine. Homme solitaire et taciturne, il vivait dans sa résidence d'été au Raincy, où il cultivait ses fleurs et ne rendait visite qu'une fois par semaine le mardi à sa femme et à son fils boulevard Magenta à Paris.
Georges fut très proche de sa mère, Ernestine Faivre, qui sut lui donner son affection ainsi qu'à ses deux aînés et fut très tôt initié à la peinture par son oncle maternel Paul Haumonté-Faivre, marchand de tissus et peintre amateur.
Sa vocation ne fut ainsi jamais contrariée.

La Seine à Courbevoie
1885
Collection Particulière

Enfant, il allait souvent avec sa mère au proche Jardin des Buttes-Chaumont. De tels endroits de loisirs et les gens qui les fréquentaient allaient devenir un de ses thèmes favoris en peinture.


L'ETUDIANT REVANT D'UNE APPROCHE SCIENTIFIQUE DE LA PEINTURE

En 1875, Seurat alla suivre les cours de dessin d'une école du soir municipale dirigée par le sculpteur Justin Lequien où il se lia d'amitié avec Edmond Aman-Jean (1858-1936), futur peintre et affichiste symboliste.

En 1876, il y étudie la Grammaire des arts du dessin de Charles Blanc qui exposait "La loi du contraste simultané des couleurs" dégagée en 1836 par le chimiste français Eugène Chevreul (1786-1889), avant d’être admis en février 1878 avec Aman-Jean à l'École des Beaux-Arts, où il fréquentera la classe de Henri Lehmann, élève de Jean Auguste Dominique Ingres.

Seurat ne brilla pas particulièrement lors de ses études à l'Ecole des Beaux-Arts, qu'il interrompit en 1879 pour une année de service militaire à Brest où il remplit de nombreux cahiers de dessins de marines.

Jeune homme, Seurat était grand et séduisant, avait des yeux de velours et une voix calme. Il avait hérité du caractère réservé et secret de son père et se présentait toujours de façon soignée et bien habillé, au point que le sarcastique Degas devait le surnommer "le notaire". Il était extrêmement studieux et solitaire, préférant la lecture à d'autres plaisirs de son âge.

Poursuivant ses recherches, Seurat lira la traduction de l'essai "Modern Chromatics" de l'américain Ogden Nicolas Rood. Il étudie également "L'Essai sur les signes inconditionnels dans l'art" de Humbert de Superville, où sont dégagées des correspondances entre les lignes et les couleurs d'une part, les émotions qu'elles suscitent de l'autre.


Paysannes au travail
1882-83
Solomon R. Guggenheim Musem
Seurat découvrira les Impressionnistes en 1879 à leur 4ième exposition, et se mettra très tôt en tête de dépasser leur approche intuitive de la peinture par une démarche scientifique, même si sa peinture à ses débuts fut nécessairement influencée par l'impressionnisme.
Rentré à Paris en 1880, Seurat passe deux années entières à étudier le dessin en noir et blanc, ne commençant ses premières toiles qu'en 1882.
Il s'intéressera principalement à des peintres qui ont privilégié la construction dans leurs oeuvres comme Corot, Millet, et surtout Puvis de Chavannes (1824-1898), peintre d'esprit symboliste.
Avec "Paysannes au travail", on peut percevoir l'influence de Millet, et le désir de Seurat de synthétiser un moment où sont réunis dignité du travail, fruits de la récolte et communion avec la nature. Seurat y innove déjà sur le plan pictural par des touches de couleur pure hachurées en croisillons.


UNE ENTREE REMARQUEE DANS LA PEINTURE

En 1883, Seurat fut admis à exposer pour la 1ère et unique fois au Salon Officiel de Paris.



La baignade à Asnières
201x300cm
1883-84
National Gallery, Londres
Seurat peindra en 1883-84 le premier de ses 7 grands tableaux majeurs, "Une baignade à Asnieres", qui fut refusé au Salon, et qu'il exposera au 1er Salon des Indépendants en 1884.
Pour ce grand tableau, Seurat procédera, comme pour les suivants, par de nombreux dessins et tableaux constituant autant d'études préalables, dont il se sert ensuite pour réaliser, sur une longue période (généralement en atelier en hiver), l'oeuvre complète.
Ce tableau, avec ses personnages simplifiés et comme figés dans leurs attitudes, baignés dans une étrange lumière, où le temps semble arrêté, dégage une poésie singulière et constitue une oeuvre radicalement étrangère à l'impressionnisme, ainsi qu'à toute convention picturale existante.

Le nouveau Salon des Indépendants avait été créé par quelque 400 artistes refusés au Salon Officiel, sur une idée d'Albert Dubois-Pillet. Il allait permettre à un petit nombre de peintres de se reconnaître autour de recherches communes : Seurat, Dubois-Pillet, Paul Signac, Charles Angrand, Henri-Edmond Cross et Odilon Redon, et voir l'acte de naissance du futur groupe des néo-impressionnistes.

Ceux-ci feront par la suite partie du Comité chargé d'animer la Société des Artistes Indépendants. Le Salon des Indépendants fonctionnait sans jury, ni récompense et avait pour but de "libérer les artistes de l'oppression des jurys et de la tyrannie académique". Seurat y exposera régulièrement chaque année jusqu'à sa mort.

Seurat allait continuer ses recherches, avec Angrand qui apparaît alors comme le plus intime parmi les peintres qui l'entourent, rendant visite à Chevreul qui leur présente ses derniers travaux sur la division de la lumière et les cercles chromatiques.


1886, LE POINTILLISME OU NEO-IMPRESSIONNISME

Il se rend également souvent avec Signac sur l'Ile de la Grande Jatte à Asnières où il multiplie les études pour une grande composition pour laquelle il souhaite appliquer pour la première fois avec une rigueur scientifique son principe de la division des couleurs en petits points se mélangeant optiquement.
Sa réalisation lui demandera deux années d'intense travail et aboutira à son plus grand chef-d'oeuvre "Un dimanche après-midi à la Grande Jatte" 1884-86, qui sera la véritable oeuvre fondatrice du "Pointillisme".
Seurat a 25 ans et réalise là un tableau d'où se dégage une sensation de maîtrise totale, où tout est soigneusement ordonnancé, et où, à nouveau, le temps semble arrêté pour un moment de beauté pure, de paix et de silence. Avec ce tableau Seurat nous entraîne dans son univers de dignité quasi irréelle magnifié par la luminosité résultant de la division des tons. Un moment où l'art transcende le quotidien!


Un dimanche après-midi
à la Grande Jatte

206x305 cm

1884-86

Art Institute of Chicago

Pissarro, que Signac avait présenté à Seurat, fut tellement impressionné par ce tableau qu'il adopta les petites touches du divisionnisme de Seurat, contrairement aux principaux impressionnistes qui rejetèrent cette nouvelle approche picturale. Il imposa Seurat et Signac à la 8ième et dernière exposition des Impressionnistes de 1886, provoquant le retrait de Monet, Renoir et Sisley.

La "Grande Jatte" de Seurat y suscitera une véritable fascination dérangeante et y tiendra la vedette, comme elle devait le faire au 2ième Salon des Indépendants la même année, faisant de nouveaux adeptes de la méthode de la division des tons à laquelle Seurat donnait alors le nom de "Divisionnisme" après celui, trop compliqué, de "Chromo-luminarisme".

Le critique d'art et écrivain Félix Fénéon allait devenir l'ardent défenseur du divisionnisme de Seurat dans ses chroniques et le rebaptiser " Néo-Impressionnisme". Signac, lui, préférait le terme "Pointillisme".

La même année 1886 Seurat, ainsi que Signac, seront exposés avec les impressionnistes par le marchand d'art Durand-Ruel à New-York.

En février 1887, "La Grande Jatte" sera exposée au Salon des Vingt de Bruxelles, provoquant le même éblouissement et entraînant dans le néo-impressionnisme un premier cercle de peintres belges, Théo Van Rysselberghe, Henry Van de Velde, William Finch...

Rapidement le mouvement s'étendra aux autres pays d'Europe : La Hollande, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie.


LE PEINTRE DE LA COTE L'ETE


Port-en-Bessin, l'entrée du port
1888
Museum of Modern Art, New-York

A partir de 1885, sur les conseils de Paul Signac, Seurat passera régulièrement les mois d'été en bord de mer pour "se laver l'oeil des jours d'atelier et traduire le plus exactement la vive clarté, avec toutes ses nuances", d'abord sur la Côte Normande dans le Calvados, à Grandcamp (1885), Honfleur (1886), Port-en-Bessin (1888), puis plus au nord au Crotoy (1889) et à Gravelines (1890).
Il y retrouve ses émotions d'enfant et cette luminosité si particulière, et travaille à des marines, moins complexes que ses grands tableaux, où il s'attache à exercer sa technique pointilliste pour dépeindre la luminosité de l'atmosphère.
Ses paysages marins dégagent une impression de grandeur, de calme, mais aussi de solitude. Ils furent généralement bien accueillis par les critiques


UN DIVISIONNISME DE PLUS EN PLUS SAVANT ET RIGOUREUX

Après avoir exposé la Grande Jatte, Seurat n'avait plus que cinq années à vivre. De santé fragile, et fournissant un travail acharné, il mourra en 1891 de manière totalement inattendue et subite d'une angine infectieuse, à seulement 31 ans.

Pendant toutes ces années, il cherchera à rendre son système encore plus rigoureux et s'isolera orgueilleusement du cortège de ses imitateurs.

Pour répondre aux critiques prétendant que sa méthode ne permettait pas de reproduire la vie, Seurat décide de faire un grand tableau de nus.
Les peintres néo-impressionnistes remettaient en cause la traduction d'une réalité éphémère mise à l'honneur par les impressionnistes. Attentifs au pouvoir d'expression des lignes et des couleurs, ils renouent avec les grands principes de la composition en peinture.
Avec "Poseuses" pour lequel il procéda à trois délicates études de nus, Seurat remettait le nu à l'honneur et, en situant le tableau dans son atelier ("La Grande Jatte" en arrière-plan), souhaitait souligner l'importance du travail du peintre en atelier.

Les poseuses
200x251 cm
1888
Fondation Barnes, Merion, Pennsylvanie

La même année, Seurat réalisait un autre grand tableau "La parade" - 1888, qu'il expose à la 4ième exposition des Indépendants et qui fut incompris des critiques et du public.


Jeune femme se poudrant
95x79 cm
1889-90
Courtauld Institute galleries, Londres
Les néo-impressionnistes remirent aussi à l'honneur le portrait solennel, genre dans lequel beaucoup excellèrent.
Seurat dont les grands tableaux à l'extrême rigueur divisionniste n'étaient pas compris des critiques et du public s'isolait de plus en plus dans son atelier.
Pourtant une femme rentra dans son quotidien, Madeleine Knobloch, dont il fit son modèle, et qui lui donna un fils Pierre Georges en 1890, qui devait décéder un an seulement après son père.
Il la peint ici dans "Jeune femme se poudrant"-1889-90.
Dans ce tableau, comme dans beaucoup d'oeuvres de Seurat, l'artiste peint un cadre sur la toile afin d'assurer une transition entre l'oeuvre elle-même et son encadrement.

En 1890, Seurat réalisait un nouveau grand tableau "Le chahut" - 1890.

L'été 1890, le peintre est à Gravelines, où il fait une série de paysages et met en projet un nouveau grand tableau "Le Cirque".

Seurat travaillera tout l'hiver 1890-91, jour et nuit, à la réalisation de ce grand tableau particulièrement complexe (40 personnages), désirant le présenter au prochain 8ième Salon des Indépendants de mars 1891.
Seurat l'y exposera, partiellement inachevé. Il meurt subitement pendant l'exposition, à l'âge de 31 ans d'une angine infectieuse. Signac dira alors: "Notre pauvre ami s'est tué par trop de travail".
L'oeuvre de Seurat, réalisée sur moins de dix années de peinture, représente effectivement une énorme somme de travail, compte tenu de la méthode scientifique de Seurat, à l'opposé de la spontanéité impressionniste, avec ses multiples dessins ou "croquetons" préliminaires (jusqu'à trente pour la Grande Jatte) et sa technique pointilliste.
Seurat fut incontestablement à l’origine d’une importante révolution en peinture et on peut se poser la question de savoir où son art l’aurait conduit s’il avait vécu plus longtemps.
L'oeuvre de son ami Paul Signac allait évoluer vers des touches plus larges et la libération des couleurs portées à leur paroxysme, dont le Fauvisme allait s'inspirer.

Le cirque

185x152 cm
(Cadre peint par l'artiste)
1891 Musée d'Orsay, Paris

L'oeuvre de Seurat servira, elle, davantage de référence aux peintres cubistes, avec celle de Cézanne plus souvent citée, séduits par sa clarté scientifique de conception, le contrôle absolu qu'il exerce sur sa sensibilité d'artiste pour aboutir à une représentation totalement maîtrisée.

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