Des experts suisses ont donc confirmé que l'ancien président de l'Autorité
palestinienne Yasser Arafat a bien été empoisonné. Désormais, il faut lancer une
commission d'enquête internationale, comme on l'avait fait après l'assassinat de
l'ancien Premier ministre du Liban Rafic Hariri [en 2005].
C'est la chaîne satellitaire [qatarie] Al-Jazira qui a révélé le contenu du rapport des experts
suisses. Ceux-ci ont conclu qu'Arafat a été empoisonné par du polonium. En étudiant
des échantillons prélevés sur la dépouille, ils ont constaté des doses de
polonium dix-huit fois plus élevées que la normale.
Ces conclusions ne sont pas une surprise pour personne. Tout le monde sait
qu'Israël voulait se débarrasser de celui qui ne cessait de travailler et de
recevoir des militants internationaux pour dénoncer les crimes israéliens, et
cela alors même qu'il était assiégé depuis des années par l'armée israélienne
dans son quartier général, la fameuse Mouqataa de Ramallah.
Il n'y a que les pays nucléaires qui possèdent du
polonium
Pourtant, Israël s'est empressé de déclarer n'avoir aucun lien avec
l'assassinat d'Arafat et de faire porter la responsabilité aux dirigeants
palestiniens. Et d'affirmer que ceux-ci "avaient intérêt à l'assassiner dans le
contexte de la lutte pour la succession". C'est oublier qu'il n'y a que les pays
nucléaires qui possèdent du polonium, Israël étant un des rares pays au monde à
faire partie de ce clan. C'est oublier aussi que le Mossad avait essayé, au
moins à treize reprises, de l'assassiner.
La question qui se pose désormais est de savoir pourquoi on n'a pas su la
vérité dès 2004, année du décès d'Arafat dans un hôpital parisien. Les médecins
français qui l'ont veillé ont dû recevoir des instructions de la part des
autorités françaises, en collaboration avec les Américains et les Israéliens,
afin de cacher la vérité.
Ces raisons politiques de ce maquillage de la vérité valables en 2004 le sont
toujours aujourd'hui. A savoir protéger Israël contre l'éventualité d'une
enquête criminelle et éviter les conséquences que cela pourrait avoir sur les
négociations avec les Palestiniens.
Aucun Palestinien ne renoncera aux principes patriotiques
d'Arafat
Israël considérait Arafat comme un obstacle à la paix. Neuf ans après sa
mort, rien n'a changé sur le terrain. Il est temps pour Israël de comprendre
qu'aucun Palestinien ne renoncera aux principes patriotiques qui animaient
Arafat.
L'Autorité palestinienne, la Ligue arabe et l'Organisation de la coopération
islamique [OIC, dominée par l'Arabie Saoudite] devront tout faire pour éviter
que le dossier soit enterré par la justice française. Il faudrait au contraire
pousser à l'ouverture d'une enquête criminelle internationale et à avoir accès
aux éventuels documents et rapports médicaux français qui ont été classés
confidentiels.
Il faudrait par exemple savoir pourquoi il n'y a pas eu d'autopsie dès 2004
et pourquoi on n'avait pas prélevé des échantillons sur la dépouille [cela n'a
été fait qu'après une exhumation tardive du corps, obtenue de haute lutte par sa
veuve, Soha Arafat].
Incontestablement, une telle enquête permettra ultérieurement de saisir la
Cour pénale internationale de La Haye, cette cour que l'Autorité palestinienne
hésite tant à utiliser face à Israël. Une Autorité qui continue d'affirmer qu'il
faut continuer de négocier à tout prix. Même si l'on peut imaginer que les
négociations aboutissent un jour à ce que les Palestiniens recouvrent leurs
droits, cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille laisser ce dossier moisir
au fond d'un tiroir.
COURRIER INTERNATIONAL
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