21.4.11

Dossier spécial: Andorre (tout ce qu'il vous faut savoir)

Andorre: ça vaut toujours le coup...

Consommation


Au cœur d'Andorre la Vieille, ce mercredi : « l'activité est très, très calme » commentent les commerçants andorrans comme sonne l'heure européenne./ Photo DDM, P.C.
Au cœur d'Andorre la Vieille, ce mercredi : « l'activité est très, très calme » commentent les commerçants andorrans comme sonne l'heure européenne./ Photo DDM, P.C.
Un titre à faire rêver François Bayrou… Oublié sur le comptoir de ce bar d'Andorre la Vieille, le Diari d'Andorra de ce lundi 4 avril annonce ainsi une « Marée orange », au lendemain de la victoire de la coalition centriste conduite par Toni Marti. Et ce faisant, cet architecte de 47 ans, autrefois diplômé à Toulouse, prend donc la tête du conseil général, le parlement andorran, « par K.O. » souligne le quotidien. Le parti socialiste tenait 14 des 28 sièges du Parlement ? Il n'en a plus que 6 tandis que la coalition centriste des Democrates Per Andorra (DPA) peut désormais s'appuyer sur 20 élus auxquels pourront éventuellement se joindre 2 conseillères de l'Unio Laurediana (droite). « Les socialistes ont eu le courage de faire les réformes qu'il fallait faire pour se mettre en accord avec l'Europe », commente Rémi Guasch, détaillant de tabac à Andorre la Vieille. Jaume Bartumeu, premier socialiste à avoir gouverné la principauté, a sorti l'Andorre de la liste européenne des paradis fiscaux en mettant fin au secret bancaire. « Mais ils ont surtout payé leur discours réaliste sur le travail et la solidarité nécessaire en temps de crise économique », estime Jordi Font Mariné, ancien président de la commission législative des finances et conseiller PS durement battu dimanche dernier. Bref, « on n'a pas laissé travailler ce gouvernement qui s'occupait pourtant des travailleurs et qui, pour la première fois de notre histoire, nous avait donné le 1er Mai » regrette en écho Martha Ribes, vendeuse.

Les Anglais...en Bulgarie

Seulement voilà… 14 élus PS contre 14 élus de droite dans la précédente assemblée, pas de majorité… Depuis deux ans plus aucun budget n'était voté et l'Andorre fonctionnait en reconduisant son ancien budget mois par mois. Les 21 000 électeurs andorrans ont donc voulu sortir de ce blocage, résument aussi les commentateurs. Car pendant ce temps-là, prise dans les turbulences de sillage de ses voisins français et espagnol, la Principauté s'est mise à découvrir le chômage, les grues immobiles sur les chantiers arrêtés et les vitrines passées au blanc d'Espagne. Lorsqu'on passe brutalement de 13 à 9 millions de visiteurs, parce que le client a les poches vides, et qu'au surplus, le skieur britannique « low cost » déserte le Pas de la Case pour les pistes de Bulgarie, ça ne va pas sans casse. Même dans un opulent petit pays de 84 500 habitants (chiffre de 2008) où le « né-natif » se compte environ 40 000 face à 20 000 Espagnols, 13 000 Portugais et environ 5 000 Français. Certes, il y a toujours cinq Ferrari à vendre chez cet importateur. Mais « 3000 Portugais et Espagnols sont déjà repartis » souligne Robert Pastor, journaliste du Diari d'Andorra. Et, surtout 800 Andorrans sont sans travail, notamment du fait de l'effondrement de l'immobilier. Il a fallu inventer une indemnité chômage. Du jamais vu dans un pays où, depuis 50 ans, le boom économique du commerce, des banques et du tourisme avait renvoyé aux oubliettes les valeurs de solidarité montagnarde des sept communes originelles. « Le chômage ? Maintenant c'est la crainte de tous les salariés » confirme Martha. « ça n'était pas un sujet de conversation, ça l'est devenu quand notre copine portugaise est partie. » expliquent ces trois lycéennes prenant le soleil au parc. Comme l'est devenu la réforme fiscale pour leurs parents.

Révolution : la tva arrive…

Car paradoxalement, s'il est un dossier qui a fait consensus malgré le blocage parlementaire, c'est celui de la réforme fiscale dont le coup d'envoi a été donné le 1er avril (lire ci-dessus à droite). à gauche comme à droite, on veut en effet rompre avec l'ancien protectionnisme et devenir fiscalement et harmonieusement européen… quand bien même l'Andorre ne fait pas (encore ?) partie de la Communauté. Mais que le client se rassure. L'apéritif et les cigarettes ne devraient pas augmenter et le « Pas de la Case sans Ricard » des Fabulous Trobadors se chantera encore. Mieux, les prix pourraient même… baisser ! Grâce à la réforme. Même si Rémi ni croit pas trop pour le tabac « car la France et l'Espagne feront pression ». N'empêche… TVA générale à 4,5 % en projet, voire 1,1 % sur les produits de première nécessité : « on est des commerçants, on doit rester attractifs », résume-t-on dans les boutiques. Mais dans la jolie poupée russe de la consommation à bas prix, c'est un enjeu autrement important que veulent enchâsser les Andorrans, avec l'impôt sur les sociétés. « Il y a deux façons d'être un paradis fiscal. En ayant aucune imposition ou en proposant une fiscalité attractive, comme l'a fait l'Irlande », résume Jordi Font-Mariné. La stratégie d'Andorre, en l'occurrence. Qui, pour diversifier son économie a besoin d'investisseurs étrangers, mais aussi d'ouvrir le marché européen à ses entreprises. « Les accords de non-double impositions sont déjà en cours de négociation avec la France et l'Espagne » explique Robert Pastor. L'Andorre européenne ? Inéluctable pour ce douanier qui constate lui aussi la crise à l'absence de bouchons, désormais. Et pense qu'au Pas de la Case, avec la réforme… « nos jours sont comptés ».



Le hit-parade de ce qu'on rapporte du « Pas »…

« Pas d'Andorre sans Pas de la Case/ Pas de la Case sans Ricard »… chantaient déjà les Fabulous Trobadors, il y a 20 ans. Rien n'a changé. Sauf que le tabac est sans doute premier, désormais, au « top » des ventes, tant pour les fumeurs que pour ceux qui font les courses « pour autrui ». Quelques prix moyens.
Tabac : Le premier prix : les Austin à 16,40 € la cartouche. Les Camel sont à 24,95 €, les Marlboro à 27 € (59 € en France, 42,50 € en Espagne), les Gauloises blondes à 22,95€. Pour les brunes : les Gitane sont à 25 € la cartouche. Le tabac à rouler est à 5,38 € les 100 grammes pour le premier prix.
Alcool : Le Ricard « c'est l'achat prioritaire des Français pour l'apéro » confirme le vendeur d'Andorra 2 000. 7 € la bouteille de 1 litre, 6,60 € pour le Pastis 51. Pour le whisky ? 9,95 € le Johnny Walker, 6,85 € le Clan Campbell. La Suze a toujours ses amateurs à 6,15 € la bouteille de 1 litre, toujours. De plus en plus d'amateurs de whiskies pur malt, aussi. 30 € le 10 ans d'âge, 35 € pour le Lagavulin 16 ans d'âge et 119 € pour le Black bull de 40 ans d'âge, à la Cava Benito.
Confiserie : L'Andorre est synonyme de Toblerone pour les enfants : 1,19€.
Carburants : Tout le monde fait le plein, évidemment : 1,24 € pour le SP98, 1,19 € pour le SP95 et 1,11 € pour le gazole.
Douane : Rappel : 300 cigarettes par personne, ou 150 cigarillos, ou 75 cigares, ou 400 g de tabac. 5 litres de vin (non mousseux). Et 1,5 l d'alcool titrant plus de 22° ou 3 l d'alcool titrant moins de 22°. 900 € maximum pour les autres marchandises. Le sucre est limité à 5 kg par personne, la viande également à 5 kg, le fromage à 4 kg.



Le chiffre : 4

millions> visiteurs. Avec la crise, l'Andorre aurait perdu 4 millions de visiteurs, passant de 13 millions de touristes annuels à 9 millions aujourd'hui. La saison d'hiver, cependant, aurait été bonne cette année, avec un retour à la hausse.



Andorrans, Gabatxos et Txarnegos

Principauté dont les deux co-princes sont l'évêque d'Urgell et le chef d'état français, l'Andorre est la réunion de 7 paroisses d'où une autre spécificité : l'État n'y possède pas de territoire en propre. Particularité encore ? Avec 21 852 électeurs inscrits en 2011 pour 84 484 habitants (chiffre 2008), les citoyens andorrans sont minoritaires chez eux. Un certain mépris pour « l'étranger » ou l'Andorran « mélangé » s'y manifeste alors parfois. Les Français sont les « Gabatxos », les Espagnols, les « Txarnegos », deux mots à la valeur plutôt péjorative, dans la bouche de l'Andorran se revendiquant de « souche ».



« Les prix pourraient même baisser »

Comment se présente la réforme fiscale entreprise par l'Andorre ?
Elle repose sur quatre mesures majeures dont une seule est entrée en vigueur, pour le moment. Depuis le 1er avril, cette nouvelle loi instaure un impôt sur les bénéfices des non-résidents fiscaux. Ils devront désormais payer 10 % sur leurs bénéfices, avec obligation de présenter une comptabilité. Sinon, ils seront pénalisés de 10 % sur leur chiffre d'affaires. Deux autres lois ont été approuvées ensuite, sous notre mandat. Nous avons voté une imposition directe de 10 % sur les bénéfices des activités économiques et sur les bénéfices des entreprises, mais ces deux lois n'entreront en vigueur que dans l'exercice fiscal postérieur à l'approbation de la loi sur la TVA.
Cette TVA devrait être de combien ?
Celle-ci prévoit un taux général de 4,5 % et de 1,1 % pour les produits alimentaires, les médicaments et les produits culturels. Ces taxes et impôts ne s'ajouteront pas au système actuel qui taxe notamment toutes les marchandises à l'entrée de l'Andorre et impose l'électricité et le téléphone. Elle le remplacera et devrait assurer entre 350 et 400 M€ de recettes, le budget de l'Andorre étant de 360 M€.
Le changement de majorité peut-il remettre en cause cette réforme ?
Non, c'est un dossier consensuel. Pour nos visiteurs, cela ne devrait rien changer, au niveau des prix pratiqués et dans l'absolu, ils pourraient même baisser. Mais cela n'est pas « il faut que tout change pour que rien ne change ». C'est « il faut que tout change pour qu'on s'en sorte dans l'optique d'une harmonisation avec l'Europe mais en gardant notre souveraineté : à nous de décider de notre fiscalité et de son niveau d'attractivité. D'après nos estimations, la pression fiscale restera inférieure de près de 8 % à celle de la Suisse. L'enjeu, pour nous, avec une fiscalité homologuée par l'Europe, c'est d'ouvrir nos frontières aux investisseurs étrangers et de passer des accords de « non double imposition », notamment avec la France et l'Espagne. Cela permettra à nos entreprises de pénêtrer le marché européen en étant concurrentielles.

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