Le monde est au bord du précipice. La semaine qui s’ouvre s’annonce cruciale. Les marchés vivent désormais dans la peur du krach. Les ministres des Finances et les banquiers centraux des pays du G7 (États-Unis, Allemagne, Japon, France, Canada, Italie et Grande-Bretagne) sont en contact tout le week-end, mais aucun sommet n’est prévu pour le moment. Hier, Christine Lagarde, directrice générale du FMI, s’est entretenue avec le ministre britannique des Finances George Osborne. François Baroin, ministre des Finances, a interrompu ses vacances jeudi pour revenir à Paris. L’Élysée et Matignon sont aussi sur le pied de guerre. Le stress revient au galop à l’approche de l’ouverture des Bourses mondiales, dès ce soir en Asie et demain matin en Europe.
La semaine écoulée a été la plus explosive que les marchés aient eu à connaître depuis le 15 septembre 2008 et la chute de Lehman Brothers. Sur les dix dernières séances, le CAC 40 a décroché de près de 15%, et entre jeudi et vendredi, de plus de 5%, alors que la croissance donne de sérieux signes de faiblesse. En Europe, l’inquiétude s’est concentrée sur l’endettement de l’Italie, qui frôle 120% de son PIB, et sa capacité à emprunter. Un scénario noir qui a basculé dans l’horreur hier. La plus grande agence de notation financière du monde, Standard & Poor’s, a retiré la notation "AAA" à la dette des États-Unis. Pour la première fois de son histoire, la première économie du monde n’est plus considérée parmi les meilleurs payeurs de la planète. Après plusieurs semaines d’affrontements entre républicains et démocrates, le président Obama a appelé samedi "les élus à s’unir pour renforcer l’économie et rétablir la situation budgétaire".
"Ça va continuer à déraper"
Les difficultés américaines et européennes se mélangent dans un timing épouvantable, au cœur de l’été, et plongent le monde dans une crise majeure. Cette semaine, les dirigeants de BNP Paribas, Société générale et AXA ont affiché un calme de façade pour rassurer. Mais leurs équipes ont la peur au ventre et s’attendent à une semaine encore électrique. "Je suis assez inquiet du manque de confiance sur les dettes européennes", estime l’économiste Élie Cohen. Fait plus grave, l’Italie est entrée dans la zone de turbulences. Ses taux d’intérêt ont continué à augmenter en fin de semaine jusqu’à plus de 6%, dépassant même ceux de l’Espagne. "Ses créanciers perdent confiance et vendent sa dette. Ça va continuer à déraper", prédit le patron d’une banque française. Le scénario du défaut de paiement est pour l’heure écarté, mais un manque de liquidités est à craindre. "Si personne ne veut prêter d’argent à l’Italie, la seule solution reste l’aide de la Banque centrale européenne", ajoute-t-il.
Preuve que la crise est critique, la BCE commencera à racheter de la dette italienne dès demain afin de la soutenir et d’éviter une flambée de ses taux d’intérêt. Son gouverneur, Jean-Claude Trichet, a tardé à réagir en fin de semaine, alors que l’Allemagne rechignait à intervenir. La BCE reste la seule arme immédiate de la zone euro. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 400 milliards d’euros pour aider les États en difficulté, n’est toujours pas opérationnel. Les Parlements des pays membres doivent ratifier sa création en septembre.
Course contre la montre
Une véritable course contre la montre se joue. Si l’Europe s’embrase, les dirigeants devront trancher. "La seule solution serait de mutualiser les dettes des pays de la zone euro pour emprunter ensuite au niveau européen", explique un gérant français. L’aggravation de la situation pourrait forcer le destin de l’Europe économique et faire émerger une véritable gouvernance de la zone euro malgré les réticences de Berlin.
Et la France? "C’est la prochaine sur la liste. Je n’exclus pas un effet de contagion", juge Élie Cohen. D’autant que la perte du "AAA" des États-Unis a levé un tabou. Avec un taux d’endettement de 84%, le gouvernement français devra réagir vite pour éviter l’engrenage. Dans un mois, la présentation du budget 2012 aura valeur de test. S’il s’annonce déjà serré, avec un déficit maximal de 3% conforme à la nouvelle "règle d’or", la pression actuelle sur la dette pourrait pousser Bercy à le rendre encore plus austère. Et donc à mettre en place des mesures fortes pour stabiliser l’endettement sans toutefois provoquer la colère des Français. L’Élysée craint de voir surgir des "indignés" comme en Grèce et en Espagne. À huit mois de l’élection présidentielle, le gouvernement devra arbitrer entre la réalité politique ou la loi des marchés.
JDD
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